Quelques faits d’histoire en lien
avec les séniors de la famille.
Omar Chikhi
J’ignorais que mon
grand cousin paternel, Chikhi Omar, avait milité activement au sein du Parti
communiste algérien (PCA) dans les années 40-50. C’est Madjid qui me l’a appris
tout récemment alors que nous flânions sur le boulevard du Télemly, l’un de nos
endroits préférés à Alger. Selon Madjid, Omar n’était pas qu’un simple
militant.
Il était membre du
staff du parti. Mais était-il sûr de ce qu’il avançait ? J’ai bien insisté sur
ce point. Il a maintenu son propos. Cela fait partie de ses souvenirs
d’adolescent. Dans la famille, me dit-il, on savait tous que Omar était
politiquement engagé. OK, lui-dis-je, mais de là à affirmer qu’il était membre
de la direction du Parti…
J’ai posé la question
à Babi ; il m’a confirmé partiellement la chose en précisant que Omar était
responsable de la section du PCA de Belcourt ; il a gardé de lui l’image de
quelqu’un de virulent et passionné dans le discours politique. Toujours d’après
Babi, Omar aurait même croisé Albert Camus dans le cadre de son activité
militante. J’ai cherché sur internet.
J’ai trouvé une
évocation le concernant, en lien avec le roman de Joseph Andras, « De
nos frères blessés » (Actes Sud, Déc 2016). Dans ce livre, l’auteur
parle de Fernand Yveton militant communiste rallié au FLN, condamné à mort et
guillotiné à Serkadji en 1957 pour avoir déposé une bombe qui n’a jamais
explosé à l’usine à gaz où il travaillait.
Andras cite aussi « les
personnages secondaires, les compagnons de cellule d’Yveton, parmi lesquels
Chikhi… » Je suis un peu contrarié par l’insuffisance des informations
relatives à Omar comme à d’autres membres de ma famille qui menaient des
activités politiques directes ou indirectes durant certaines périodes
historiques.
Lachemi Chikhi
Justement, à la même
époque, un autre membre de la famille, mon grand-oncle paternel Lachemi
Chikhi
était lui aussi très engagé politiquement ; il militait à Batna au sein d’un
courant proche de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) sur
la liste duquel il avait été élu à maintes reprises conseiller municipal,
notamment en 1936.
A Zouzou déjà cité
par mes soins, en parle dans sa thèse de doctorat en histoire (juin 1992)
intitulée L’Aurès durant la période
coloniale, évolution politique, économique et sociale (1837-1939).
Voici ce que rapporte
Zouzou à propos de Lachemi Chikhi : « A Batna, au sein de la fédération des élus,
apparaissaient deux organismes rivaux : l’un d’inspiration politique Ben
Badis-Tahrat (SFIO), l’autre d’inspiration de la fédération des élus, nommée
section du congrès musulman du département de Constantine.
Cette scission qui
remontait à l’élection municipale complémentaire de novembre 1936 où Chikhi
Lachemi avait été élu conseiller municipal contre le candidat patronné par la
Fédération des élus musulmans du département de Constantine, amena tous les Batnéens
d’origine Kabyle ayant suivi Chikhi et un bon nombre d’affiliés à la Fédération
des élus à abandonner le Nadi El Islah pour forer le cercle de l’union ayant une
politique nouvelle à tendance plutôt Oulémas (Ben Badis-Tahrat).
Les rivalités entre
les deux tendances semblent avoir duré un certain temps pendant lequel chacune
tenait ses réunions à part.
Au cours d’une
réunion organisée par le Comité de la section d’inspiration Ben Badis-Tahrat,
au théâtre municipal de Batna le 23 juillet 1937, et à laquelle assistaient
quelques 350 personnes dont près de 100 Kabyles, les principaux membres du
bureau, Chikhi Lachemi et Touri Amor, furent empêchés, par un vacarme organisé
par les partisans du Dr Bendjelloul et dirigé par Fadhli Salah, de continuer
leur discours, sur un échange de gestes, de cris de « vive Bendjelloul ! vive
Saadane! vive Abbas ! », la séance fut levée.
»
L’historien se réfère
notamment à un rapport de la Sous-préfecture de Batna qui rend compte de ce
meeting chahuté et finalement empêché par les adversaires de la ligne politique
de Lachemi Chikhi.
Smain Chikhi
Dans le livre qu’il
consacre au parcours de son père (La vie du chahid Benflis Touhami, biographie
1900-1957, éditions Houma 2012), Ali Benflis, ex chef du gouvernement de 2000 à
2003, écrit au sujet de la famille Chikhi : « La première médersa de
l’association des oulémas fut créée dès 1934 et dénommée par la population
médersa Laoubi. La deuxième médersa, annexe de celle de Constantine, fondée par
les oulémas à Batna en 1937 sous la présidence de cheikh Foudala Med El Hassene
se trouvait rue général Faidherbe baptisée à l’indépendance rue Med Salah
Belabbès.
Le siège de cette
médersa était la propriété de feu Cherfa Si Belgacem (commerçant) et de feu
Chikhi Si Smain (commerçant) lesquels avaient mis généreusement à la
disposition des oulémas une maison leur appartenant pour servir comme lieu
d’éducation et de formation. Rien d’étonnant de la part de ces deux généreuses
familles Islahistes, la famille Cherfa et la famille Chikhi originaires de
Grande Kabylie et bien connues à Batna. Elles ont toujours joui de l’estime de
tous.»
Dans le même ouvrage,
l’auteur publie, entre autres photos, celle montrant mon grand oncle paternel
Hachemi Chikhi en compagnie de quelques personnalités musulmanes ayant
activement participé à la vie politique à Batna dans les années 30-40, à savoir
Fadli Salah, Cadi Abdelkader dit Kaddour, le Dr Bendjelloul, Kechida, Araar, le
Dr Benkhellil.
La dimension
économique et commerciale de l’histoire de la famille n’est pas négligeable.
J’ai déjà eu à en évoquer quelques aspects (250 hectares de terres et deux
fermes dont disposaient mon arrière-grand-père paternel Ali et ses enfants).
L’historien A. Zouzou qui les cite dans sa thèse, met en exergue la modernité
des équipements de la ferme d’El Madher.
Un autre auteur parle
de la ferme ; il s’agit de Jean-Pierre Marin. Dans son ouvrage Au forgeron de
Batna (l’Harmattan, 2005) il écrit à propos de l’une des fermes concernées : «
…La ferme construite en 1870, a cessé d’être la propriété de la famille Isidore
depuis la fin de la première guerre mondiale et est restée des décennies dans
la famille Chikhi… »
Arezki et Abdallah Chikhi
Le même auteur cite
brièvement les transports Chikhi (la STAB, société des transports automobiles
Batnéens) sans toutefois préciser que les cars de la société desservaient les
lignes Biskra-Batna-Constantine-Philippeville (Skikda).
Les bureaux de Batna et
Constantine de la société étaient gérés respectivement par mon père et mon
oncle Abdallah. Ces faits sont parfaitement connus au sein de la famille.
Rappelés tels quels, ils n’apportent rien de nouveau dans la connaissance de
notre histoire.
La seule particularité
réside, pour certains d’entre-eux, dans leur formalisation écrite par des
auteurs sur la base de diverses sources documentaires. Des rectificatifs et/ou
compléments d’information ne sont d’ailleurs pas à exclure. Il y aurait
peut-être aussi un effort à engager dans le décryptage de certaines données.
Plusieurs pistes sont ouvertes…
C’est l’un des
autocars de la Stab que nous avions pris en juillet 1960, mes cousins Youssef,
Mouhou, mon frère Ferid et moi, pour nous rendre à Philippeville afin d’embarquer
à bord du paquebot Président de Cazalet et rejoindre, via Marseille puis
Perpignan, le centre de vacances de Quérigut en Ariège dans les Pyrénées
orientales.
Les souvenirs
personnels sont potentiellement sujets à une multitude d’interprétations.
D’autres images impliquent la société de transports. Avec le recul du temps,
elles suscitent de nouvelles émotions. Ces souvenirs déclenchent, favorisent,
accompagnent un processus d’éclaircissement non seulement par rapport à des
considérations individuelles, subjectives mais aussi au regard de l’histoire.
Le patriarche Ali Chikhi
Mon
arrière-grand-père paternel Ali ne se limita pas à exploiter ses deux fermes et
autres affaires, ce qui était déjà considérable. Il participa aussi
concrètement et pleinement aux activités cultuelles et culturelles de la ville.
L’historien A.Zouzou
écrit à ce propos: « Toutes les activités culturelles,
religieuses et même celles à caractère politique des citadins musulmans
allaient se centrer sur la nouvelle mosquée de Batna, construite en 1924.
L’ancienne mosquée
construite en 1852 fut détruite par le tremblement de terre de 1924. Le projet
de la nouvelle mosquée fut concrétisé grâce aux fonds recueillis par un groupe
de notables. Ces notables, dont Chikhi Ali, devinrent tous en 1925 membres du
Conseil d’administration de la nouvelle mosquée. Chikhi a fait partie de
l’ancien bureau jusqu’en 1939 année à partir de laquelle un nouveau bureau fut
constitué.
Un différend surgit
entre ce bureau et les anciens membres, qui a donné lieu à une procédure
judiciaire qui traîna jusqu’en 1942… »
Lamine Bey Chikhi
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