25 mai 2016

Mon Père : Il avait de l’allure, une présence, il était élégant.

La nostalgie, est-ce un piège ? Je ne saurais dire précisément pourquoi et quand cela pourrait être le
cas. Mais je sais que je peux me permettre de me poser toutes les questions imaginables sur ce sujet dont j’ai fait un thème de prédilection pour les raisons que j’ai abondamment exposées. 25 mai 2016.
Le sentiment nostalgique a beaucoup à voir avec la conscience que l’on a des êtres et des choses. Ferid m’a envoyé des photos de notre père. Photos de jeunesse. Années 30. Il avait de l’allure, une présence, il était élégant. Je sais qu’il était déjà dans l’action, les affaires. Les photos, ça me donne toujours envie d’en savoir davantage, d’aller au-delà de l’apparence.
En savoir davantage : c’est possible en écrivant à partir des indications que l’on peut glaner ici ou là. C’est aussi possible via l’inspiration que suscitent les photos. Ce qui compte dans une photo, c’est ce qu’on en fait après l’avoir regardée. Moi, quand j’exhume des photos, quand je feuillette l’album familial, ça me permet de rendre hommage à plein de personnes.
Les photos de jeunesse de mon père, c’est une époque particulière, une culture prometteuse, une effervescence philosophique, un art de vivre intéressant en dépit de la crise économique qui sévit et de la guerre qui se prépare. Autant en emporte le vent sort en 1936. Sartre publie La nausée en 1938. Je ne sais pas pourquoi, en écrivant ces lignes, je pense à Rastignac que j’ai découvert dans les années 70 en lisant Le lys dans la vallée, de Balzac. Cela a-t-il à voir avec les photos de mon père ?  Non, mais cela m’amuse de faire des extrapolations par rapport à des personnages ou des situations romanesques.
Mon père sur les photos en question, c’est une envie, (mais une envie souriante, sereine) de prendre la vie à bras-le-corps, de la vivre pleinement ; c’est aussi (déjà ?) une volonté de peser sur le cours des événements. On peut faire dire plein de choses aux photos, collectivement ou individuellement.
Le fait-on sans tenir compte de son propre socle culturel, de ses acquis culturels ? Non, mais cela vaut aussi pour le reste, le cinéma, la littérature, la vraie vie. Tout est lié. Mais quel rapport y a-t-il avec la question initiale sur le piège de la nostalgie ? et d’ailleurs, le mot piège est-il judicieux ?
Peut-être voulais-je dire impasse, fausse piste, démarche périmée, vaine, ringarde, stérile, processus intellectuel d’arrière-garde. Est-ce la même chose ? Non. Je crois que ce qui importe est ailleurs.
Dans le souvenir, dans ce qu’il déclenche, mais pas seulement. Mon père, Mà, Soraya et tous ceux que j’ai évoqués ici auraient-ils aimé que je parle d’eux comme je le fais depuis nombre d’années ? S’agissant de Mà, la question ne se pose pas. De son vivant, je lui lisais tout ce que j’écrivais à son propos mais aussi à propos d’autres membres de la famille ; cela lui plaisait mais elle insistait pour que je regroupe mes textes, que j’en fasse un livre, « un vrai livre » disait-elle. « Oui, un jour peut-être. Pour l’instant, il faut surtout écrire, se remémorer, témoigner, noter, formaliser, acter, pour plus tard… » lui répondais-je. C’était aussi, c’est encore l’avis de Beida.
Et c’est ce que je faisais quasiment au jour le jour, sans d’ailleurs être systématiquement tourné vers le passé. Dans mes pensées, il y avait aussi Alger, l’Algérie au quotidien. Et puis, tantôt en filigrane tantôt en marge de mes réflexions, je ne manquais pas d’intégrer dans ma rétrospective des personnes qu’il m’arrivait de croiser et qui m’inspiraient une idée nostalgique.
C’est ce qui me fait dire avec quelque recul que la nostalgie est tout à la fois une aptitude, un élan, une agrégation quasi automatique de souvenirs et de situations en lien avec le présent, un ensemble de prédispositions, une série de postures et sans doute aussi une nécessité.
Les deux ou trois personnes auxquelles je pense en ce moment et qui ne font pas partie du cercle familial étaient en phase avec ce que je recherchais à travers ma chronique. Est-ce encore le cas ? Je me le demande. Dans ces conditions, la nostalgie serait volatile. Oui et elle l’est aussi dans bien d’autres circonstances.
Cette volatilité peut être profitable voire salutaire en ce sens qu’elle incite à des remises en question, à un renouvellement de la perception des choses. Le fameux éclaircissement de la vie par l’écriture prend ici toute sa signification. Il conduit à des ruptures parfois spectaculaires, radicales dans la dialectisation de l’existence. Proust en a fait l’un de ses objectifs majeurs en même temps que le fer de lance de son œuvre.
Lamine Bey Chikhi



17 février 2016

L'histoire est l'apprentissage de la complexité

J’ai capté cette belle citation de René Rémond il y a une semaine en suivant l’excellente émission (OVPL) de Sonia Mabrouk sur LCP. J’ai immédiatement adhéré au propos du politologue et compris tout aussi vite les tenants et aboutissants de la notion de complexité en rapport avec l’histoire. Je saisis ce que cette corrélation requiert en termes de réflexion intellectuelle, d’introspection pour en tirer des enseignements pratiques.
Il y a un itinéraire à suivre et cet itinéraire ne commence pas n’importe comment ni n’importe où. Les faits sont incontournables. En faire le rappel inaugure la démarche analytique. C’est ce que j’ai dit hier à mon cousin Babi (Chikhi Med Larbi, dit Rabah) pour l’amener à me parler un peu de son action au sein de la Fédération FLN de France. Il m’a répondu qu’il voulait prendre le temps… Il y a trois ans, je lui avais suggéré de rédiger ses mémoires ou du moins un témoignage détaillé, à l’instar de bien d’autres ex militants de la Fédération. Il aurait beaucoup à dire, j’en suis convaincu. Je crois qu’il a connu Michel Rocard à la fin des années 50, c’est AM lui-même ancien membre de l’organisation, qui me l’a dit. Ce serait bien que Babi l’évoque.
Rocard m’a toujours intéressé politiquement et intellectuellement. Prendre le temps… oui, mais pourquoi se priver de démarches parallèles, transitoires, immédiates, celles qui permettent de fixer des idées, d’exhumer des souvenirs, des détails pour ne pas oublier ? L’histoire c’est le temps long, certes, mais c’est aussi ce qui s’impose aujourd’hui (13 février 2016) ou à brève échéance pour diverses considérations.
La trajectoire à laquelle je songe pose la question de savoir s’il existe des explications possibles de l’histoire, de ses bifurcations réelles ou supposées à partir de destins, de parcours individuels. Je ne suis que dans l’esquisse de ces itinéraires. J’aime le verbe « esquisser » parce qu’il n’est pas définitif. Quand on esquisse un portrait, une pensée, une explication, on est dans le provisoire, la prudence.
L’apprentissage de la complexité, c’est aussi cela, c’est-à-dire une pondération dans la perception des choses, le refus du dogmatisme, un processus fondé sur des remises en question, des interrogations, des incertitudes…
Lamine Bey Chikhi

6 février 2016

Remettre les pendules à l'heure

La simultanéité dont il s’agit est là aussi pour inciter au questionnement sur la subjectivité citée plus haut et dans laquelle il peut y avoir le pire et le meilleur, le positif et le négatif, l’immobilisme ou la contemplation et l’action. La subjectivité, c’est le relais, la continuité ou alors la rupture. Le rayonnement de la famille a montré toutes ses limites précisément à partir du moment où le relais a cessé d’être assuré dans une optique collective, de manière consciente.

L’échafaudage a tenu bon jusqu’à une certaine époque. Je dis cela en pensant aux deux mandats consécutifs exercés par notre cousin Abderrezak Chikhi dit Moumouh comme maire de Batna dans les années 70. J’ai toujours interprété cette consécration locale, preuve d’un esprit rassembleur (perçu d’ailleurs comme tel par la population Batnéenne), comme une confirmation, un continuum de l’action politique plus lointaine de son père, notre grand-oncle paternel Dèda Lachemi, conseiller municipal dans la même ville dans les années 30.
Pour être complet à propos de Moumouh, j’ajouterai qu’il a été, peu après l’indépendance, co-fondateur et vice-président de l’association musicale et théâtrale Essaada. Cette association dont l’orchestre était dirigé par Kamel Chikhi, a marqué la vie culturelle à Batna durant près de deux décennies. J’en profite pour rappeler que la troupe musicale a remporté le 3ème prix du premier festival amateur de la chanson chaabi organisé en 1966 à Alger, à la salle Atlas (ex Majestic) ; je faisais d’ailleurs partie du groupe comme second accordéoniste.
Je ne peux pas ne pas citer, bien que dans un registre différent, notre autre grand cousin Tayeb qui a été Président du Club de football le CA Batna dans les années 80 et Président de la commission d’arbitrage de la FAF (Fédération Algérienne de Football). Je ne suis pas en train de faire le panégyrique de la famille. Et même si tel était le cas, en quoi cela poserait il problème et pourquoi n’aurais-je pas le droit de le prononcer, s’agissant de quelque chose qui relève du patrimoine familial immatériel, de la mémoire familiale ?
Au fond, je n’apporte rien de nouveau ou de particulier en rappelant certains faits. Cependant et même si ces indications sont connues, on ne les a jamais inscrites dans une perspective historique ni d’ailleurs dans une approche ou une narration extra historique, pour ne pas dire romanesque.
Pour ma part, je me sers de la nostalgie pour moi-même, pour me faire plaisir, certes, mais aussi pour glorifier des épisodes familiaux, rendre hommage à des personnes qui le méritent amplement, rappeler des faits indiscutables et remettre les pendules à l’heure dans un contexte qui n’a rien à voir avec les périodes évoquées par mes soins. Et puis, je le fais parce que personne ne le fera à notre place, hormis bien entendu les membres de notre famille…
Lamine Bey Chikhi

Une Histoire de la Fédération de France

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