Vous avez beau vous éloigner… vous y revenez toujours !
Il fut un temps où il ne se
passait pas un moment pour évoquer d’une façon ou d’une autre ses origines, ses
sources, sa provenance, ses ascendances, ses lignées, ses souches, ses racines,
et même son sang… pour signifier ou savoir qui est qui !? Dans d’autres
circonstances le retour aux sources est une façon singulière de se retremper dans
son passé et celui des siens. Par exemple retourner sur son lieu de naissance,
sa maison de naissance… oui le village d’où est originaire toute sa famille.,
Dans les années ‘’90’’ j’ai souvent gravi le
chemin qui mène à Tadhart
N’Azrou Kolal, le village
familial situé pas très loin des cimes du Djurdjura. Je me rappelle,
entre-autres, que lors d’un déplacement, un ami, compagnon du voyage qui nous a
mené d’Alger à Ain EL Hammam, me suggéra d’y faire un tour. Une opportunité
parmi tant d’autres de rendre une visite de courtoisie à mes oncles et tantes… qui
s’y trouvaient pour quelques jours. J’avais répliqué, respectueux des règles de
bienséance, ‘’nous pourrons le faire plus
tard ou du moins au moment du retour vers Alger’’.
Mustapha qui connaissait la famille
insista, considérant que nous avions suffisamment de temps pour aller à leur rencontre,
insista en soulignant, ‘’moi, je sais qu’ils
seront bien contents de voir arriver leur cousin de Batna’’. Sans
hésitation il dit à Kamel de s’arrêter
au bas du chemin qui quelques mètres plus loin se transformait en un sentier
parfois assez large pour nous permettre de marcher côte à côte et parfois
tellement étroit de sorte que nous avancions l’un derrière l’autre, en file
indienne. Ce chemin menait vers les premières maisons du village.
Un chemin qui monte, semblable aux milliers
d’autres empruntés depuis la nuit des temps par les habitants de la région. Un
sentier au milieu duquel le ruissellement des eaux de pluie avaient creusé de
profondes rides sinueuses, ornées de cailloux ronds semblables à des galets et d’autres
de formes diverses.
Mes grands oncles El Hocine et Salah, frères de ma Grand-mère
paternelle, occupaient encore une des maisons dont la plupart étaient désertées
par les plus jeunes, rendus depuis fort longtemps des citadins bien intégrés. À
notre arrivée et avant même de nous inviter à nous asseoir Dada El Hocine, nous dit ‘’Vous avez le temps de prendre un café,
n’est-ce pas !?’’ Et, il ajouta ‘’installez
vous sous le figuier. Ça ne sera pas long.’’ Il poursuivit d’un air
narquois ‘’Te rends-tu compte à quel
point la vie a changé’’… Ma réponse
était laconique mais je savais qu’il l’appréciait… ‘‘Il faut bien qu’elle change sinon on ne progresse pas…’’ Et lui
de poursuivre sans transition, tout en faisant un clin d’œil à mes amis et
accompagnateurs, que je feignais de ne pas voir, ‘’Depuis que tu fais de la
politique tu as appris à parler… ‘’.
Je souriais et le laissais
faire la conversation. Il expliquait avec moult détails, comment, pourquoi et à
quel moment, mon arrière grand père Ali, le
bâtisseur, avait décidé de quitter la Kabylie pour s’installer dans les Aurès.
‘’Vous savez, nous dit-il, vous avez beau vous éloignez du nid
familial, vous y revenez toujours… un
jour ou l’autre. Vous revenez avec un
regard neuf, une vision neuve, un amour neuf, une compréhension de la vie
différente de celle que les anciens avaient’’.
Mustapha, participait à la conversation
alors que Kamel, se faisait discret sans perdre un mot de la conversation. En fait, Mustapha, n’hésitait pas à dire qu’en ce
qui le concerne il passait presque tous ses Week-ends avec son frère à Ain El Hammam alors que s’il n’insistait pas
nous resterions toujours à Alger… Et mon oncle tout en hochant la tête, nous
invitait à suivre son exemple, ‘’vous savez, les jeunes, l’air de la
montagne est bon pour les poumons et une nuit de sommeil à proximité du Djurdjura
vaut mille nuits à Alger... vous devriez revenir plus souvent !
Kamel se hasarda avec un ‘’ça
serait en effet intéressant de venir vous donner un coup de main dans le petit
jardin si en même temps vous nous parlez un peu plus de l’histoire des gens du
village’’. Et, mon oncle de partir d’un rire rauque Ah ! Toi aussi
tu as appris à poser des conditions, crois-tu que j’ai besoin de vous pour
faire pousser quelques salades ? Rappelle-moi déjà ton nom !?
Je suis un Ait
Mebarek, répondit Kamel.
Qui est ton père ?
C’est Da
L’hacène.
Ah ! Bon, serais-tu le fils
de Dhahbia ?
Oui ! répondit Kamel.
Donc, toi aussi tu es de la
famille. Ton père était un brave homme honnête et courageux… Que devient ton
frère Hamid, c’est l’ainé, n’est-ce
pas !? Lui aussi est comme ton père. Il a su être un bon chef de famille.
Dis-lui de venir me voir.
Nous primes le café qu’il nous
servi tout en poursuivant notre conversation. Une heure plus tard nous étions
sur la route à analyser ce qu’il nous avait dit. Il ressortit de celle-ci,
notamment, que ces anciens sont une mémoire vivante de leur histoire, de celle
de la famille et bien entendu de la région. Il fallait réfléchir à la façon de
les faire parler et d’enregistrer tout ce qu’ils pouvaient nous raconter.
Ferid Chikhi
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